La Mutuelle des Agriculteurs Virunga dite « MAGRIVI » AU COEUR DES DIVISIONS DES BANYARWANDA CONGOLAIS
On sait depuis la nuit des temps, que les mots ont le pouvoir d’influencer les pensées et les émotions. Un discours haineux peut inciter à la violence et à la discrimination. La falsification des faits historiques peut détourner la réalité et créer un climat de méfiance. La désignation de boucs émissaires peut canaliser la colère et la frustration vers un groupe particulier. C’est ce qu’a fait la Magrivi au Zaïre puis leurs héritiers en RDC contre les tutsi congolais. Malheureusement, on n’apprend pas de l’histoire et on prête plus attention aux vendeurs d’illusion.
Et pourtant, les banyarwanda, constituent un groupe culturel et linguistique homogène aussi présents dans d’autres pays limitrophes du Rwanda, l’Ouganda, la République démocratique du Congo et la Tanzanie. Le traçage des frontières coloniales a départagé les peuples Banyarwanda en RDC, Uganda, Tanzania.
Ca, c’est l’histoire.
En RDC la fascisation des relations communautaires par la Magrivi depuis 1982, puis associée aux interahamwe depuis juillet 1994 qui, jour après jour, pulvérise la prétendue évidence du « plus jamais ça ».
C’est à se demander si les années 90-94 sont-elles derrière ou devant nous ? Soit : Que faire du sentiment viscéral que nous vivons une « récidive » de ces années sombres. Cette accoutumance à la haine anti tutsi doit susciter l’indignation de tous.
Car le spectre de l’année 1994 hante la RDC, cette République qui, sans rien savoir de ce qui l’attend a déjà abdiqué sur l’essentiel. Les valeurs.
Elle est drôle cette familiarité avec les spectres du 20e siècle finissant, qui s’insinue partout au moment même où les archives de ces années-là se voient désormais colorisées, rafraîchies et rajeunies par le discours de haine alimenté par les relais du pouvoir en RDC, au moment même où on s’apprête à commémorer les 30 ans post génocide contre les tutsi. Avec cette distance de temps, cette familiarité exige que l’on y fasse, analytiquement, retour. Même si on dit que « la comparaison est permanente sans être pertinente », la permanence même de la question fasciste à l’Est de la RDC n’est pas, en elle-même, anodine.
Au Rwanda, Monseigneur Perraudin, ancien évêque de Kabgayi a défini son système politique constitué d’un ensemble d’idées simplistes de division et d’exclusion, de mythe et de symboles qui formaient une vision biaisée de la société rwandaise. Ainsi naquit le parmehutu.
Il allait déterminer les comportements des rwandais à l’égard du pouvoir politique, du développement et des individus. Du sacerdoce au génocide contre les tutsi, la marge est trop étroite, Monseigneur Perraudin porte une lourde responsabilité en sa qualité de penseur du parmehutu. Les Rwandais de Suisse lui avaient décerné « le prix du sang » à la paroisse de Bagnes en Suisse.
Les hommes d’église ne sont jamais loin dans les drames que connaissent la région des grands lacs.
Une bataille rangée avait fait rage au diocèse de Goma pour la succession de Monseigneur Joseph Busimba. On est dans les années 1973 -74. La succession de Monseigneur Busimba se fait sur fond de rivalité entre Monseigneur Kanyamacumbi, tutsi de Jomba et Monseigneur Kajiga, hutu ressortissant de Rugari tous deux du territoire de Rutshuru.
Faute de réconcilier les deux prétendants, Monseigneur Busimba s’en ira solliciter Monseigneur Ngabo à Bunia dans l’Ituri pour prendre le diocèse de Goma.
Monseigneur Kajiga sera l’un des promoteurs de la tristement célèbre Mutuelle des Agriculteurs Virunga « MAGRIVI » financée par le gouvernement rwandais de Habyarimana.
C’est en 1982 que prend naissance la Mutuelle des Agriculteurs de Virunga (MAGRIVI), un groupe exclusivement des hutus congolais. Sauf qu’elle est une émanation du pouvoir de Habyarimana du Rwanda qui dispose d’un agenda politique. Il veut diviser les banyarwanda congolais comme il le fait au Rwanda avec sa politique d’équilibre ethnique et régionale et l’idéologie parmehutu.
Depuis sa création en 1982, MAGRIVI va mener une campagne de sape des tutsi congolais du Nord Kivu jusqu’à Kinshasa.
Ils mèneront quelques assassinats à Goma, dans le Masisi et Rutshuru.
Madame Thérèse, riche propriétaire de l’hôtel Touriste de Goma sera assassinée et ses deux assassins retrouvés à Gisenyi avoueront qu’ils étaient recrutés par les membres de Magrivi Goma. Un bouleversement dans le microcosme de Goma.
En 1983, une grève des élèves vient perturber la paisible bourgade de Minova à l’Institut Lwanga de Bobandana tenu par les frères maristes.
Au prétexte de la nourriture, on se rendra vite compte que les meneurs de la grève sont politiquement motivés et sont les fils des membres de Magrivi. Ils en veulent au Directeur de l’école, Frère Ngombwa car il est tutsi. C’est à cette occasion que le commissaire sous régional du Nord Kivu, le commandant du célèbre camp Rumangabo, MBUZA MABE accompagnés de Monseigneur Ngabo viendront sermonner les élèves. A leur corps défendant, Ils vont découvrir le pot au rose. Tous ces élèves nourries à l’idéologie divisionniste seront exclus de l’école. Le choc fut retentissant.
Lors des élections locales en 1989, dans le Nord Kivu, les Magrivi mèneront une campagne d’intoxication telle que les tutsis seront empêcher d’y prendre part. Et le gouvernement sera obligé de les reporter suite aux incidents violents qui se produisirent dans la province.
Depuis le 24 avril 1990 avec la libéralisation de l’espace politique, la compétition va faire rage et ceux qui se disent ‘‘autochtones’’ s’opposeront ouvertement aux ‘‘étrangers, sous-entendu les tutsis’’ et leur contestent les droits politiques et fonciers.
A la conférence nationale souveraine, les tutsi congolais seront accusés de ‘‘nationalité douteuse’’. Dont les célèbres Rwakabuba Shinga qui avait combattu pour l’indépendance de la RDC, plusieurs fois ministre, membre du bureau politique du MPR, du comité central et qui se retrouve en 1990 avec une nationalité douteuse. Pareil pour Monseigneur Kanyamacumbi du diocèse de Goma mais natif de Jomba dans le Rutshuru.
On va pousser la bêtise au point d’exclure de la conférence nationale le Mwami Kalegamire d’Idjwi lui aussi taxé de tutsi.
Ces amalgames, raccourcis et falsification de l’histoire sont l’œuvre de Magrivi. Ce dernier peut se targuer d’avoir contaminé des esprits au Nord Kivu mais aussi dans les cercles du pouvoir à Kinshasa.
La propagande et la désinformation de Magrivi avaient bénéficié d’un puissant financement de Habyarimana, du délitement de l’Etat, de la misère galopante déjà à cette époque, des jalousies et des ressentiments pour désigner les tutsi congolais comme les boucs émissaires. Les tutsi congolais sont depuis ces années les brebis expiatoires des maux qui rongent la RDC.
Et en 1994, les génocidaires qui trouvent un sanctuaire à Mugunga, Kibumba et dans Goma pour les plus nantis sont accueillis par les Magrivi et vont synchroniser leur idéologie de haine anti tutsi. Ils vont provoquer la révolte de 1996 et la guerre de libération de l’AFDL.
C’est l’absence d’une solution durable au problème des Banyarwanda qui a offert un terreau fertile au M23, mettant en lumière la nécessité d’un dialogue inclusif qui se penche objectivement sur les causes réelles, profondes et structurelles des problèmes à l’Est de la RDC. Et par extension en Ituri, au Katanga, au Kasaï, au Bandundu et pourquoi pas au Bas Congo.
Et les cycles des violences vont se multiplier et s’intensifier. Les ravages continuent jusqu’à ce jour. Mais ceci va modifier les éléments sociologiques sur lesquels reposaient les dynamiques de conflits au Nord Kivu. L’axe Lubero-Beni (chez les nandes) s’étant protégé des événements pendant que Rutshuru-Walikale et Masisi (hunde, nyanga et tembo) seront complétement déstabilisés.
Les scènes des massacres et pillages des vaches et biens des tutsis congolais par les ex-Far et interahamwe vont marquer profondément les esprits.
Magrivi va cimenter le clivage hutu-tutsi au Nord Kivu et amplifier les antagonismes qui caractérisent les conflits ethniques au Nord Kivu.
Le pouvoir en place ne réussissant pas à résoudre l’épineuse question de la nationalité et d’exclusion définitivement, les relations inter communautaires vont rester tendues et provoquer des violences.
Les Magrivi serviront d’intermédiaire pour rallier les nande, les nyanga et les hunde contre les tutsis congolais.
Pour faire le contre poids, des rwandophones hutu et tutsis créent UMOJA. Radicalement opposée au Magrivi dans son idéologie et ses pratiques. Ainsi que le dit son appellation, elle met ensemble hutu et tutsis.
Seulement, les conflits vont devenir de plus en plus violents et meurtriers, avec les méthodes anciennement inconnues en RDC. Qu’ont apportés les interahamwe. La pression des nouveaux venus va s’exercer sur les terres et la population locale.
A partir de 1996, le conflit prendra une dimension régionale.
C’est de la que prend racines le M23. Il a hérité des conflits non résolus. C’est établi factuellement. Le M23 prend ses racines dans les décombres des persécutions qui datent de cette époque, dans les manquements de ceux qui auraient dû rester debout et exiger la solution durable du problème des banyarwanda congolais. Le M23 n’est pas la cause mais la résultante de ces problèmes non résolus.
Depuis lors, les tutsi congolais sont devenus les symboles sacrificiels des maux endémiques qui affligent la République Démocratique du Congo, subissant ainsi la stigmatisation et les persécutions persistantes dans un pays en proie à de multiples crises socio-politiques.
CONCLUSION
Pendant qu’on en est arrivé à brûler sur la place publique les tutsi congolais au seul motif qu’ils sont tutsis, les hutu congolais prétendent que leur langue maternelle est devenue le KIHUTU pour ne pas être associé aux suppliciés.
L’inversion des valeurs est passée par là.
La mal est profond avec des métastases insoupçonnées.
Léon Blum n’écrivait-il pas, en 1932 : « Les nazis sont exclus du pouvoir, ils sont même exclus de l’hypothèse même du pouvoir. » Ce devrait être pareil pour les porteurs de l’idéologie génocidaire partout dans le monde.
Me. TITE