« La réussite de la gratuité de l’enseignement de base en RDC passe par l'augmentation du budget de l'Etat d'au moins 2 milliards USD » (Adolphe Muzito)

0

 

AddThis Sharing Buttons

Adolphe Muzito

Légitimité de Félix Tshisekedi, gestion de la chose publique, gratuité de l’enseignement….autant de sujets abordés par le député Adolphe Muzito, dans une interview exclusive accordée, le dimanche 15 septembre 2019, à Media Congo Press (MCP).

Cadre de la coalition Lamuka, l’élu de la ville de Kikwit (province de Kwilu estime qu’avant de réussir la gratuité de l’enseignement en RDC, l’on doit augmenter le budget de l’Etat d’au moins 2 milliards USD. Cela passe notamment par des réformes qui, généralement, ne produisent des fruits qu’après un ou deux ans. Or, constate-t-il, le régime, qu’il qualifie d’« illégitime » de Félix Tshisekedi n’est pas prêt à se soumettre à un tel exercice.

Ci-dessous, l’intégralité de l’entretien.

Media Congo Press : Que pensez-vous de la gratuité de l’enseignement de base qu’a décidé le président Félix Tshisekedi Tshilombo ? 

Adolphe Muzito : C’est un mensonge. Ça ne va pas tenir et il sera vite rattrapé. Comment peut-on s’engager à faire quelque chose dont on n’a pas évalué le coût, ne disposant ni d’un programme, encore moins d’un budget au moment où l’on fait la promesse ? Ils ont travaillé sur un budget de 10 milliards USD tel que Tshisekedi l’a promis ? C’est sur 12,5 milliards USD (25 % de 50 milliards USD représente 12,5 milliards, si l’on s’en tient à sa promesse de campagne, celle de travailler sur base d’une pression fiscale de 25 %).
Il ne va pas le réaliser car la pression fiscale de 25 % à laquelle il fait allusion n’est pas réaliste. On est déjà à une pression fiscale de 9 % en 2019. Or, il a promis une pression fiscale de 25 % en 2019. Vous comprenez déjà qu’il ne peut pas appliquer cela. Je ne crois pas qu’en 2020 il pourra prélever une pression fiscale de 25 % sur un PIB de 50 milliards USD.

MCP : Face à une telle situation, quelle peut en être la solution idoine ?

A.M : La meilleure solution pour faire face à ce mensonge, c’est de dire au peuple congolais qu’on a menti et qu’on ne peut réaliser un tel programme. Ensuite, on peut refaire le calcul. Si Tshisekedi est incapable de dire la vérité au peuple, la seule solution pour lui est de quitter démissionner.

La mise en œuvre de la gratuité de l’enseignement de base en RDC représente presque 2 milliards d’augmentation du budget de l’Etat. En plus, on ne peut pas augmenter le budget de 2 milliards USD pour ne donner qu’à l’enseignement. Il faut plutôt augmenter de plus de 2 milliards USD. Ce qui fera que l’augmentation puisse concerner tous les secteurs (médecins, professeurs d’universités et autres…). Ce qui est impossible à ce jour. Avant d’augmenter le budget de l’Etat, il faut commencer par initier des réformes. Il faut que ces réformes atteignent la maturité pour que le moment venu (1 an ou 2 ans après) l’augmentation du budget soit possible. Et quand on augmente le budget, on doit augmenter l’ensemble des rubriques du budget de l’Etat.

La RDC dispose d’environ 650.000 enseignants dont quelque 300.000 ou 400.000 sont payés. Mais, l’ensemble du personnel de l’Etat, c’est autour de 1.100.000 agents. Ce qui fait que, quand on augmente les salaires pour les enseignants, l’on puisse également augmenter pour les autres secteurs.

MCP : Durant votre mandat à la Primature, les fonctionnaires ont vu leurs salaires être revus à la hausse. Comment avez-vous fait pour y parvenir ?

Je suis le seul Premier ministre qui a augmenté les salaires des agents et fonctionnaires de l’Etat dans des proportions inimaginables. Le budget de l’Etat augmente en fonction de l’augmentation de la richesse nationale. Or, à ce jour, nous sommes en train de sombrer du point de vue des prix, principalement du côté des matières premières. Même à propos de la collecte des impôts, il faut augmenter la croissance. Et, pour le faire, il faut des réformes comme je l’ai dit tantôt. Mais, dans le cadre de la cohabitation qui est la leur (Ndlr : FCC-CACH), ils ne sauront pas initier des réformes.

Pendant mon mandat comme Premier ministre, j’ai doublé, voire triplé les salaires. Si ce n’était pas significatif, c’est parce que je partais des seuils très bas. J’ai multiplié les salaires par deux, par trois, voire par quatre. Un record jamais battu. Cela ne peut se faire nulle part au monde. Même pas aux Etats-Unis d’Amérique.

MCP : Etes-vous prêt à apporter votre expertise au gouvernement Ilunga Ilunkamba pour relever le défi ?

Je le ferais en quelle qualité ? Mon combat n’est pas celui d’un opposant à des gens qui n’ont pas de légitimité. J’appartiens à une coalition qui a gagné les élections de 2018 autour de Martin Fayulu, candidat de la coalition Lamuka. Il faut donc qu’on permette au peuple de l’installer au pouvoir pour que nous puissions l’accompagner. Et pour cela, nous avons déjà fait de propositions de sortie de crise. Des réformes pour corriger certaines erreurs, de telle sorte que ce qui s’est passé ne se reproduise plus. Que nous ayons une bonne Cour constitutionnelle. On doit revisiter les textes afin de disposer d’une structure qui va correctement organiser les élections mais aussi qui va contrôler et certifier les résultats des élections… Pour cela, il faut qu’on rentre vite aux élections. C’est la seule solution. Si le peuple nous donne mandat, que nous puissions travailler pour ce peuple-là. Nous ne pouvons pas conseiller un gouvernement illégitime, qui ne va jamais engager des réformes.

MCP : Comment entrevoyez-vous l’avenir politique de la RDC ?

En considérant la cohésion institutionnelle, est-ce que les institutions, tel qu’elles vont fonctionner, vont permettre aux réformes de s’appliquer de la part du président de la République avec son gouvernement ? Est-ce que les visions sont les mêmes entre les acteurs en présence (Ndlr : Kabila et Tshisekedi), pour qu’on soit sûr qu’on va dans la bonne direction ? Est-ce que la vision de Kabila est la même que celle de Tshisekedi (qui s’apprête à travailler avec les institutions internationales) ? C’est par rapport à cela que nous avons scruté l’avenir, à l’occasion des journées portes ouvertes de la coalition Lamuka, du point de vue de Tshisekedi, en regardant son programme.

MCP : Quel constat avez-vous fait ?

Nous constatons,premièrement, en ce qui concerne le réalisme (le caractère réaliste ou pas de ses chiffres), qu’un taux de croissance de 25 % en moyenne sur 10 ans tel qu’il l’a promis, est peu réaliste. Quand on considère ces chiffres, il est établi que le taux de croissance partirait de 9 % en 2019 à 69 % en 2028 (sur 10 ans). Quand vous agrégez, vous trouvez que c’est 25 % ou 30 % par an. C’est irréaliste. Pour preuve, déjà pour l’exercice en cours, le taux de croissance pour l’année qui s’achève (2019) sera de 4,2 %, selon le FMI. Et Tshisekedi est déjà en train d’achever la première année de son mandat.

Les années dernières (sous Kabila), le taux de croissance était de 5 %. Sauf en 2014 et en 2011 (et j’indique en passant que c’est grâce à l’impulsion de mon gouvernement qu’il y avait ce reliquat qui a profité à Matata). Entre 2012 et 2014, ils ont commencé à chuter jusqu’à atteindre 2,4 %. La croissance n’a jamais été une affaire des kabilistes. Donc, Tshisekedi cohabite avec un pouvoir qui ne lui permettra pas d’atteindre son objectif.

MCP : Que dites-vous des autres aspects du programme du président Félix Tshisekedi ?

Félix Tshisekedi parle de la pression fiscale de 25 %. C’est une moyenne pertinente en Afrique subsaharienne comme pression fiscale. Mais nous ne voyons pas comment il va partir de 9 % à 25 % en moyenne, comme prélèvement fiscal dans le cadre d’un pouvoir qui ne permettra pas de réformes. C’est théoriquement celui-là qui sera appliqué par Ilunga Ilunkamba. Celui d’Ilunga est censé être élaboré en collaboration avec Félix Tshisekedi….si cela ne se passe pas comme cela, ça signifie que nous ne sommes plus en face d’une coalition mais plutôt en cohabitation


MEDIA CONGO PRESS / mediacongo.net

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.